La pêche en rivière est passionnante en différents points :
les étangs sont très fréquentés, les pêcheurs s'amassent souvent en groupes, les endroits sont aménagés pour se restaurer et pour garer la voiture ;
les lieux portent l'empreinte de l'homme pour améliorer son confort.
Lorsque j'étais allé à un étang au printemps dernier, je n'ai cessé de criser. Dès le départ, j'étais lésé par mon chien : l'aménagement d'un espace naturel pour les oiseaux nous interdisait de pêcher près des arbres donc mon chien était en plein soleil toute l'après-midi ; de plus, l'eau est stagnante, malsaine.
J'étais obligé de l'attacher parce que les pêcheurs circulaient le long de la berge, et un berger allemand, aussi gentil qu'il soit, n'a rien de rassurant. Il suffit d'une seule plainte, et le garde-pêche m'enverra me recycler dans la chasse.
Le plus décourageant est qu'on peut regarder où on veut, on verra toujours quelqu'un.
où est l'harmonie avec la nature dans tout ça ?
J'ai déclaré à mon frère et à mes neveux qu'on ne me verra plus jamais à l'étang ; trop, c'est trop !
La rivière, par contre, est un autre monde. Celle que je fréquente traverse la forêt, à des centaines de mètres de toute route.
Le milieu est sauvage et les arbres se bagarrent pour une place près de l'eau. L'ombre pendant la chaleur estivale n'est jamais à plus de 10 pas.
Rencontrer un promeneur ou un cycliste tout-terrain est un événement, les seuls que j'ai vus s'étaient égarés dans les bois.
Le chien peut patauger à sa guise et courir où il veut, mais après peu de temps, il choisit un endroit stratégique pour pouvoir me garder à l'oeil et pour surveiller les environs ; j'ai souvent remarqué qu'il prenait sa tâche très au sérieux.
N'oubliez pas que chez les bergers allemands, le mâle est jaloux alors que la femelle est possessive... une femme pourrait m'approcher à l'improviste.
En pêchant tranquillement des vifs (des petits poissons pour le brochet), je fus surpris de voir mon vivier danser le jerk à la surface de l'eau :
en le ramenant, une petite couleuvre se démenait pour tenter de lever le couvercle pour piquer mes petits goujons ; cette chipie me braquait comme un brigand.
Après mon intervention, elle a disparu mais peu de temps après, je la voyais près de la rive opposée, sous l'eau, cachée derrière une branche morte.
Au fil du temps, comme elle ne craignait rien de ma part, elle s'enhardissait en se montrant de plus en plus, jusqu'à être totalement à découvert. Elle faisait la manche comme le mendiant du coin !
Je me suis laissé attendrir...
...une pression sèche sur les branchies d'un vif pour l'assommer suivi d'un mouvement ample en direction de la couleuvre.
C'était impressionnant de la voir filer comme une flèche pour saisir le goujon. Quelques instants plus tard, elle était de nouveau là, à me faire des clins d'oeil.
Par la suite, lorsque je venais à cet endroit, elle apparaissait aussi en l'espace d'un quart d'heure.
Notre relation a duré plusieurs années, elle était si fidèle qu'elle avait l'air de m'attendre.
En désespoir de cause, j'ai fini par acheter des leurres et des cuillers parce qu'avec tous les petits poissons qu'elle m'extorquait,
et le chat qui en voulait aussi, la pêche au brochet au vif tenait de la science-fiction.